• [Je tiens à préciser que ce n'est pas un commentaire littéraire "officiel", comme on pourrait le dire. Ce n'est pas le meilleur, ni celui qui vous fera gagner un 20/20. Mon but est de vous aider à trouver certaines informations que vous cherchez à propos, peut-être. Ou, même, à s'en inspirer. J'ai eu un 17/20, sur ce commentaire.]

     

    En 1721, c'est-à-dire au XVIIème siècle, pendant la période des Lumières, Montesquieu publie un roman épistolaire et argumentatif, Lettres Persanes. On y lit une correspondance entre Usbek, qui quitte Ispahan pour voyager, et ses amis et femmes.

    Le texte étudié est, en fait, la dernière lettre du roman, adressée à Usbek par sa femme. Roxane, chagrinée par la mort de son amant, avoue à son conjoint qu'elle ne l'a jamais aimé, tout en se donnant la mort. Ce suicide donne un aspect tragique à la lettre, pourtant polémique.

    Comment, dans ce texte, Montesquieu mêle t-il l'épistolaire, l'argumentation et le théâtre?

    C'est pourquoi l'on pourra, d'abord, étudier en quoi ce passage et Roxane sont théâtrals, puis, mettre en évidence le fait qu'elle renverse l'ordre établi.

     

     

    Montesquieu donne un côté théâtral à la dernière lettre, la rendant ainsi tragique et surprenante.

    Dès la première phrase, Roxane nous affirme qu'elle va faire un aveu. Ce "oui" (l.1) renforce d'emblée ce qu'elle va avouer. D'abord, elle confesse qu'elle "vien[t] d'envoyer devant [elle] ces gardiens sacrilèges qui ont répandu le plus beau sans du monde" (l.4-5). Elle a tué les eunuques d'Usbek qui, sous l'ordre de leur maître; avaient fait de même à son amant. Elle revendique cet acte qui pourrait l'amener à la liberté. Elle avoue, également, sa feinte pendant des années : elle faisait semblant de l'aimer pour mieux le trahir, " je me suis jouée de ta jalousie" (l.1), "te paraître fidèle" (l.10-11) et "lâchement gardé dans mon cœur" (l.11). Cependant, on remarque quelques termes qui assimilent son mensonge à une faiblesse de sa part : "je me suis abaissée" (l.10) et "profané la vertu" (l.12). D'autre part, on note l'utilisation du futur, comme "j'aurais dû faire paraître à toute la terre" (l.11), ce qui marque le regret. Ces année de soumission lui apparaissent comme un mensonge, une humiliation. Si on en revient à la première phrase, on peut voir que la deuxième personne du singulier est omniprésente dans l'extrait. Cela laisse une impression que Roxane parle directement à son mari, comme s'il était en face de lui. Comme si elle répondait à ses questions fictives, "Oui" (l.1) et "Non" (l.8)

    On remarque que Roxane dénonce haut et fort l'aveuglement d'Usbek. L'auteur oppose, grâce aux antithèses, ce que sa femme lui montrait et ce qu'elle était vraiment : "vivre dans la servitude" (l.8) et "toujours été libre" (l.8), "tu me croyais trompée" (l.16) et "je te trompais" (L.16). On a aussi un champ lexical de l'apparence, "imaginer" (l.16) et "paraître" (l.11). Roxane se moque du fait que son époux n'aie rien remarqué, et ce par la question rhétorique "Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule?" (l.6). Montesquieu utilise le subjonctif imparfait "que je fusse" pour indiquer le caractère hypothétique de ce que Usbek croyait. Sa femme, sur un ton sec, mène ce dialogue épistolaire en affirmant sa position et en se plaçant au-dessus de son couple. Ses phrases sont des affirmations brutales et les adverbes "Oui", "Non" placés en début de phrases, coupent toutes discussions possibles.

    La façon dont meurt Roxane ressemble à celle d'une héroïne tragique. On remarque une évolution dans la représentation de sa mort : "je vais mourir : le poison va couler dans mes veines" (l.3), "je meurs" (l.4) et "C'en est fait, le poison me consume, ma force m'abandonne; la plume me tombe des mains; je sens affaiblir jusqu'à ma haines" (l.18-19). Cette dernière phrase est entrecoupée par la ponctuation, elle mime les halètements de l'agonie à perfection. Le "C'en est fait" donne un aspect tragique à la formule. On précise, aussi, que la mort apparaît pour Roxane comme une délivrance? Cette mort est, de plus, un acte d'amour elle lui permet de conclure son amour. Les termes comme "le seul homme qui me retenait à la vie" (.3-4) et "le plus beau sang du monde" (l.5) font penser à un chant amoureux. Cette mort est, sans doute, positive puisque, dans ce cas, elle devient un accomplissement.

    Afin de rendre cette lettre plus marquante, Montesquieu fait de Roxane une héroïne forte et libre.

     

     

    Roxane ne fait pas les choses comme on pourrait le croire, elle renverse les rôles et s'affirme plus que jamais.

    Roxane se met à la place d'Usbek, en position de supériorité. On observe que dans la phrase initiale, la première personne "je" (l.1) a un rôle de sujet, et la deuxième "t'" (l.1), en objet. Ceci confère à Roxane un statut supérieur, une position d'attaque. De plus, elle l'assujettit en lui imposant sa loi et en lui forçant à ressentir, contre son accord : "tu devrais me rendre grâce" (l.10) et "je te forçasse encore d'admirer" (l.18). Pour ça, le philosophe utilise le conditionnel à valeur injonctive. On peut aussi noter qu'il y a une sorte de prééminence dans "tu me trompais; et je trompais" (l.16). Dans la première moitié, il y l'infidélité d'Usbek suivie de la satisfaction de tromper son épouse, en pensant qu'elle ignore, et dans la seconde moitié, il y a l'infidélité de Roxane, ce que son conjoint ne pouvait concevoir. Cela la met dans une position supérieure parce que, contrairement à Usbek, elle sait tout de ce jeu de dupe. En outre, l’héroïne domine non seulement son mari, mais aussi le Destin : au lieu d'être tuée par Usbek à son retour, elle choisit de se donner la mort, elle-même.

    Par conséquent, cette mort est un acte de courage. Sans peur, elle meurt en direct dans cette dernière lettre. On passe du futur proche formulé sous forme de périphrase "je vais mourir" (l.3), au présent de l'indicatif "je me meurs" (l.19). En faisant cela, elle empêche son interlocuteur de lui répondre ou de prendre sa vengeance.

    Enfin, Roxane renverse les rôles et prend le pouvoir sur son ravisseur. Pour cela, elle tue les eunuques qui appartenaient à Usbek. On remarque, aussi, qu'elle met en évidence les condition de vie des femmes : "servitude" (l.8) et "soumission" (l.12). En opposition, on a un lexique de la liberté : "indépendance" (l.9) et "libre" (l.8). On constate que l'apparente obédience de Roxane cachait en réalité une liberté de sentiment, de penser. Elle représente la liberté des femmes contre l'asservissement des hommes. D'autre part, elle choisit de mourir pour pouvoir clamer haut et fort son indépendance à tous. Il est l'acte suprême de sa liberté, la seule qu'elle détient puisqu'elle appartient à Usbek.

     

     

    Pour conclure, Roxane nous prouve à quel point le système du sérail est inefficace et dénonce l'asservissement des hommes. Pour obtenir sa liberté, il a fallu qu'elle mette fin à sa vie. On a, aussi, une fin ouverte : que va faire Usbek, suite à sa lettre? On n'en sait rien, on n'en saura jamais rien.

     


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